Bucéphale

Canaliser les réactions liées à la peur chez le cheval en soin

Sur un cheval en soin, selon la pathologie, la peur et les réactions qu’elle entrainre peut aggraver considérablement son état (stress supplémentaire pour une colique, aggravation de blessure, impossibilité de traiter…). Mais, il est illusoire de vouloir maitriser la peur.

Pour les chevaux comme pour les humains, cela fonctionne de la même façon : la peur paralyse le cerveau et concentre toutes les fonctions du cerveau vers la fuite ou le combat. C’est un mécanisme de défense très efficace qui permet la survie de l’espèce.

La peur est une émotion, elle ne se gère pas, ne se maitrise pas.

 

Anticiper

En revanche, la peur peut s’anticiper. En repérant ce qui fait peur, et en identifiant le profil émotionnel du cheval. Par exemple, pour un cheval émotif qui a peur des sols variés (couleur, aspect), vous allez pouvoir éviter les situations et quand ce n’est pas possible, les préparer (très en amont, avec une progression très lente et beaucoup de récompense). Le medical training permet cela, on va exposer le cheval à une plaque d’examen, à un sol de caoutchouc (monter dans le van, aller dans les salles de soin) pour l’aider à comprendre que certains sols sont sans danger. Il ira donc plus facilement si il a été correctement éduqué, notamment en restant sous le seuil de peur avant d’aller à l’étape suivante. Cette anticipation permet de diminuer la réaction à l’objet de la peur.

 

Canaliser

La réaction qui suit la peur peut être canalisée. Chez le cheval, c’est la fuite qui est toujours privilégiée. On travaillera sur la confiance :

  • ne jamais trahir, c’est-à-dire ne pas exposer à l’objet de peur quand il n’y a pas lieu ou pour rigoler (si, si, vous en connaissez tous « regarde, il est trop bête, il a peur d’une flaque d’eau »),
  • toujours essayer de comprendre (qu’est-ce qu’il lui fait peur ?). Parfois, c’est une odeur que nous ne percevons pas, alors soyons indulgent. Le cheval ne fait pas semblant, écoutons-le et acceptons. Cela permet de ne pas ajouter d’incompréhension dans la relation. Un cheval qui se sent écouté à défaut d’être compris, sera plus mesuré dans ses réactions, parce-que vous-même, vous êtes plus tranquille et à l’écoute et non pas en opposition.

     A ceux qui ont un doute sur la capacité du cheval à faire semblant, ok, j’accepte, même si je ne           partage pas votre avis. Alors, demandez-vous pourquoi il fait semblant. Quel est le message ? Est-ce que ça ne voudrait pas dire « je n’ai pas envie de faire cela » ? Ecoutez quand même.

  • être empathique. Ok, tu as peur de ça et non pas « mais ça ne fait pas peur !! ». Quand vous avez peur, cela n’a aucune importance que la « chose » ne fasse pas peur, que les autres pensent que ça ne fait pas peur. Votre corps vous dit de fuir et VOUS NE POUVEZ RIEN FAIRE D’AUTRES, pas même penser autrement. Personnellement, j’ai peur des piqures. Je sais que ça ne fait pas mal, que c’est pour mon bien, mais j’ai peur. Je ne contrôle pas, ma raison et mon intelligence ne me servent à rien, puisque mon cerveau est programmé pour la fuite face à une piqure. Le manque d’empathie me met juste plus mal et donc ajoutes à mon envie de fuir. Si vous ajoutez de la réprobation sur la peur, ça augmente le stress, ça ne permet pas à la peur de redescendre (ce que l’on cherche à obtenir), voire ça l’augmente (nouvelle peur : être sanctionné, ne pas pouvoir fuir…). Votre manque d’empathie est au mieux inutile, et le plus souvent délétère.

 

On travaillera aussi beaucoup sur l’apprentissage, qui permet de dire au cheval : « tu as le droit d’avoir peur, mais je veux que tu réagisses moins fort. » On apprend alors au cheval qu’il peut faire un pas en arrière , un pas de côté sans bousculer, voire 2 foulées de trot et s’arrêter quand il y a une tension sur la longe. L’objectif de cet apprentissage est uniquement de rester en sécurité, pas plus et pas moins. La sécurité n’est pas négociable, mais la peur n’est pas négociable non plus.

Si on nie la peur, cela a des conséquences : agressivité dans d’autres situations, mal-être exprimé par des tics, des maladies (ulcères, coliques…), apathie et résignation (avec un risque d’explosion un jour ou l’autre. Le fameux cheval super cool qui pète un cable un matin et cause un accident, c’est lui !).

Vous ne pouvez pas nier une émotion, elle existe même si vous la contenez par des méthodes et des techniques variées. Le cheval va continuer d’avoir peur, mais vous, vous allez ignorer ce qui se passe en lui et vous allez vous mettre en danger. Parce-que si vous n’avez pas d’information fiable, vous ne pouvez pas agir en sécurité.

 

C’est pourquoi dans les apprentissages pour le cheval en soin, je travaille la confiance et l’apprentissage pour canaliser non pas la peur, mais les réactions de peur. Je veux continuer à observer la peur, à le savoir car, c’est de cette information que dépend ma sécurité, celle du cheval et celles des personnes autour.

 

Le medical training que j’enseigne est basé sur ce principe fondamental : laisser s’exprimer et canaliser la réaction. A mes yeux, c’est la meilleure façon de coopérer car elle signe entre le cheval et moi, un pacte de confiance, de respect mutuel durable qui va sceller une relation sécure et agréable pour les deux. C’est essentiel.

 



13/07/2021
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