Relation humain-cheval
La puissance de l'intention... à double-tranchant
Depuis plus d'un an, je travaille beaucoup sur l'intention. J'essaie, je valide, j'affine. Mon but est d'acquérir une meilleure maitrise de ce levier puissant pour la complicité et la communication avec le cheval, dans le respect de l'espèce et avec son accord. L'objectif n'est pas de contrôler le cheval mais d'établir une forme de dialogue dans la relation avec lui.
Si j'utilise parfois l'intention pour l'éxecution d'un exercice, je cherche avant tout à l'établir comme mode de communication. Les intentions données pour le "travail"sont peu utilisées. Pour moi, l'intention est une façon différente de communiquer, de dialoguer car elle intègre la réponse du cheval. Pas seulement la réponse à mon intention, mais aussi son expression à lui. En clair, si je lui dit des choses avec l'intention, j'accepte qu'il m'en dise également et que je réponde, comme lui réponds aux miennes. Bref, c'est un échange. Dont je me sers pour l'éducation, mais c'est avant tout de la communication (qui n'est pas tout à fait de la communication animale non plus, à mon sens).
J'essaie avec des images mentales, sans, en étant très présente ou en semi-méditation.
Bref, j'observe ce qui fonctionne ou pas avec un maximum de précision et avec plusieurs modes.
Ce que je constate à chaque fois, c'est la puissance de l'intention. Quand elle est bien faite, c'est à dire débarassée de tout faux-semblant (on est dans le paraitre, y compris envers nous-même) et des idées polluantes ("je ne vais pas y arriver" ou une préoccupation annexe "il faut que je nettoie ce licol"), l'intention permet d'avoir un cheval qui réagit en une fraction de seconde à cette intention.
Cela me permet, par exemple, de lui demander d'éviter des ronces au sol auxquels il ne prête pas attention mais qui m'inquiète pour ces cicatrices au paturon. De lui signifier que nous allons nous promener quand il broute, sans toucher au licol. Etc.
Et quand nous faisons des exercices, cela me permet de demander un exercice précis, sans parler, sans signe, sans code.
Hier, je lisais un article sur les violences involontaires ordinaires. Vous savez ce que l'on dit ou fait et qui porte atteinte à l'autre sans que l'on y prête attention. Le fameux "t'es con" à un individu (humain ou cheval) qui ne comprend pas. Ou l'indéboulonnable "t'as peur d'un sac plastique ???" lancé au cheval, qui est d'une violence inouïe puisque nous nions là une émotion, c'est à dire un ressenti propre à l'individu qu'il ne peut pas contrôler.
Alors si l'intention peut contrôler un mouvement, permettre une communication fine, je suppose que l'intention agit aussi sur le psychisme. Si l'intention est négative, elle doit provoquer un "mouvement" chez le cheval. Le "t'es con", quand on le pense vraiment, peut à mon sens vraiment nuire au cheval. Evidemment, il ne comprend pas le mot, mais l'intention qu'il y a derrière : "je suis fâchée ou agacée". Quelle solution le cheval peut-il nous proposer à cet agacement ? C'est impossible pour lui de répondre à ça, surtout qu'il ne comprend pas toujours ce qui nous agace. S'il a peur, il ne comprend pas pourquoi on est agacé par sa peur, car de son point de vue, il y a un truc qui fait peur, POINT. J'imagine que cela doit créer de la confusion en lui.
Alors si nous faisons plus attention à nos intentions négatives, qui parfois nous échappent, je suis certaine que nos chevaux s'en porteraient mieux. Et en attendant de réussir à utliser l'intention pour parvenir à une meilleure complicité (celle-ci est plus difficile à obtenir car elle est volontaire et conscientisée), si déjà nous essayions toutes et tous de ne pas les pourrir avec nos mauvaises intentions. C'est à nous de prendre soin d'eux et de les comprendre, pas l'inverse.
Aucun cheval ne nait en sachant comment fonctionne un humain et ce que celui-ci attend de lui. Alors, réflechissons avant à ce que nous attendons du cheval et comment nous faire comprendre de lui, respectons sa nature et ses émotions. En clair, apprenons à connaitre le cheval pour faire de nos intentions, des liens enrichissants avec eux, plutôt que des injonctions pleine de confusion pour lui.
La punition en question
La punition est le plus souvent néfaste à la relation, inutile à l'apprentissage. Personnellement, j'évite de l'utiliser. Quelques explications. Je précise au passage que je travaille essentiellement en renforcement positif (avec récompense alimentaire), ce qui explique ma réticence à la punition.
Les punitions arrivent parfois au plus mauvais moment :
- quand il a peur (le cerveau est déconnecté et l'apprentissage ne se fait pas, le cheval ne fait pas le lien entre le mauvais comportement- sa peur- et la punition.
- quand il revient après s'être sauvé (pile le moment à récompenser au contraire),
- quand il fait autre chose (il est repassé au pas, on voulait un appuyé au trot : le cheval comprend que de repasser au pas pose problème...),
- suite à une contingence humaine (il a renversé son seau = problème pour l'humain mais le cheval ne voit pas ce qui pose problème. Il renverse une bouteille parce-qu'il l'a flaire... On est pressé, il regarde un truc...). Et là, cest à nous de reconnaitre la nature du cheval et à faire attention, pas à lui de comprendre nos contigences humaines.
Les effets néfastes de la punition sont nombreux
- confusion du cheval, incompréhension pouvant mener à un déficit cognitif
- inhibition de l'expression des émotions, allant jusqu'à la résignation acquise (cheval qui ne réagit plus)
- augmentation/ apparition de la peur
- détérioration la relation à l'humain pouvant aller jusqu'à une aversion avec menaces et coups. Selon l'état émotif du cheval, il est parfois impossible de reprendre le travail dans les minutes qui suivent.
- possibilité de blessures (le cheval qui fait un écart face à la punition et se blesse)
Quelques rares cas d'utilisation de la punition
- quand vous êtes en danger immédiat.
Ce qui doit rester très rare car c'est à nous de nous assurer autant que possible la sécurité = pas de comportement à risques. Exemples : je préviens quand je passe derrière, TOUJOURS. Je teste la relation à l'humain dans les premières secondes (oui, oui secondes) = je regarde à qui j'ai à faire pour savoir comment me comporter.
Dans ce cas, la punition se traduit par une menace ou une tape (comme un cheval) sur des zones "molles" (poitrail, encolure, cuisse), jamais le nez (hyper sensible, ni les membres évidemment). La force est contrôlée (comme les chevaux entre eux) : l'objectif n'est pas de faire mal mais d'éloigner le danger.
- quand la désobéissance est flagrante ET VIENT DU CHEVAL. Et non pas une désobéissance dûe à mon inexpérience, ma fatigue, mon manque de présence.
Dans ce cas, on met de l'inconfort. Exemple : j'ai demandé de stopper de brouter avec les 3 niveaux vocaux dont je dispose (ordre, "non" et "attention, je vais sanctionner"), il continue, je tire sur le licol.
Et le retrait de nourriture ?
Il existe des punitions comme le retrait de nourriture que je n'utilise que dans le cas des chevaux qui gratte ou tape dans la porte du box. Pourquoi ?
Pour un animal qui passe l'essentiel de sa vie à manger, cette punition est trop cruelle, il me semble. Et pas forcément compréhensible, contrairement à la menace et au coup qui est un des comportements du cheval. Dans le cas du cheval qui gratte, s'il y a retrait de nourriture quand il gratte, il y a don de nourriture dès qu'il cesse. Cela me parait être une punition juste, en partie frustrante mais qui donne l'occasion au cheval d'apprendre facilement le bon comportement.
L'intention, une autre voie pour dialoguer avec le cheval
Souvent en équitation éthologique, on vous parle d'énergie.
De mettre de l'énergie dans ses mouvements, de faire monter l'énergie en soi.
Si on comprend le concept et qu'il est souvent efficace, je lui préfère l'intention.
L'intention est plus subtile et surtout elle vous fixe dans l'être, dans l'ici et le maintenant.
Là où pour être énergique, on se projette souvent, dans l'intention, on ne peut pas se projeter, elle est là maintenant ou... elle s'est enfuie parce-qu'on y a trop pensé.
Pour le cheval aussi cela me parait plus confortable, l'intention ne se dose pas, elle est par nature juste. Alors que l'énergie, elle doit se doser. Parfois, on fait trop fort ou pas assez, avec l'inconfort qui va avec pour le cheval.
L'intention, c'est une invitation à être avec; là où l'énergie est une demande de collaboration.
Il est vrai qu'avec des personnes moins aguerries, il est plus facile de travailler sur l'énergie, c'est plus parlant et plus "facile" à mettre en oeuvre, à expliquer.
Mais, je pense qu'il faut très vite parler de l'intention, car c'est elle qui nous rend le plus juste dans la relation, le plus subtil dans la coopération et aussi le plus à l'écoute.
Il me semble que quand nous sommes dans l'énergie, nous sommes trop concentrés sur cette énergie à transmettre, et nous n'écoutons pas. Ni le cheval, ni nous-mêmes. N'avons-nous jamais fait l'expérience d'une débauche d'énergie pour parvenir à nos fins, quitte parfois à se perdre dans l'action ?
Avec l'intention, nous restons focalisé sur l'objectif, sur ce que nous sommes, ce que nous voulons et le monde qui nous entoure.
Parce-que l'intention ne soumet pas,
parce-que l'intention est une attention à soi et à l'autre,
parce-que l'intention est là, pas ailleurs.
Pourquoi la dominance n’a pas de sens.
Quand j’entends qu’il faut dominer le cheval, et bien, je ne suis pas d’accord !
D'abord parce-que la dominance pour un cheval et la dominance pour un cheval n'a pas du tout le même sens.
La dominance de l'être humain sur le cheval est une soumission à des ordres pour obtenir une action ou un résultat donné. Elle est issue d'une hiérarchie linéaire qui ne varie pas selon le contexte (c'est toujours l'humain qui domine).
La dominance pour le cheval s'exerce uniquement pour l'accès aux ressources (alimentation, eau, reproduction...) et vise la satisfaction d'un besoin primaire. Ce n'est pas une soumission à un ordre, juste un langage pour signifier la priorité d'un individu sur un autre fondé sur une hiérarchie non linéaire. Cette hiérarchie pouvant évoluer selon le contexte.
Les scientifiques ont démontré que la dominance n’était pas une caractéristique d’un individu équin donné. La dominance ne vaut que pour un contexte social donné et pour l’accès à des ressources (alimentation, reproduction…).*
Quand on domine comme un humain, on ne parle pas cheval. Donc, il faut s'attendre... à ne pas être compris. Et dans ce cas, il est rare que l'humain remette en question sa dominance. Il a souvent tendance à redoubler de dominance. Mais au fond, pourquoi domine-t-on un cheval ?
Que cherche-t-on à obtenir d'un cheval quand on le domine ? Un partenaire dans la durée ou un être soumis définitivement ?
Pour moi, plus que la dominance, le respect a du sens. Oui, je veux que mon cheval me respecte, c’est-à-dire qu’il ne me bouscule pas, ne me marche pas sur les pieds, réponde à mes demandes (que je n'impose pas mais propose selon ses capacités). Mais je veux aussi qu’il s’exprime pour savoir quand il a mal, quand il ne comprend pas. Pour travailler efficacement avec lui, sans le mettre dans le rouge, sans lui imposer tout.
Un cheval dominé ne s'exprime plus, jusqu'au jour où le mental, le corps, voire les deux lâchent. Comment être un couple quand l'un des deux n'a pas son mot à dire. Tous les hommes de cheval écoutent leurs chevaux (de Oliveira le premier).
Le respect, comme la dominance vient de nous. Si nous les respectons, ils nous respectent. Si nous les dominons, il faut s’attendre à de la rébellion.
Le premier des respects vient de nous, il convient de respecter ce qu’ils sont. Après seulement, nous leur apprendrons qui nous sommes en nous basant sur leur capacité d’apprentissage (pas les nôtres).
*Voir les travaux d'Université de Rennes : Martine Hausberger, Séverine Henry et la thèse de Marie Bourjade.
Un résumé sur le leadership (qui n'est pas la dominance mais aide à comprendre. http://alter-equus.org/le-leadership-est-il-un-concept-fiable-chez-le-cheval/